Une nouvelle année ecclésiastique
- temps de rencontre avec le Christ et ses saints par la prière et la communion -
1er septembre 2022
Nous sommes au début de l'année liturgique. Chaque fois en ce moment nous méditons sur sa signification avec l'espoir de pouvoir mieux comprendre le chemin que nous avons parcouru jusqu'à présent et celui que nous voulons compléter à l'avenir.
L'année 2022 est l'Année hommage de la prière dans la vie de l'Église et du chrétien. La prière est pour nous en tant qu'Église, en tant que ses membres, la réalité qui nous définit le plus. Selon les paroles d'un des ascètes du désert égyptien, « la prière est l'ascension de l'esprit vers Dieu ».[1] Le même auteur dit aussi que « la prière est la conversation de l'esprit avec Dieu ».[2] De ces paroles, nous comprenons que la prière est en même temps élévation vers notre Dieu Créateur et dialogue vivant et présent avec Lui. Notre parole devient par ce dialogue important parce qu'elle n'est plus l'expression de notre façon de parler séculière, horizontale et limitée, mais gagne de la force d'en haut en s'adressant à Celui qui a en son pouvoir et sous sa protection toutes choses.
La prière est ce qui nous caractérise le mieux en tant qu'êtres humains. Pourquoi ça? Parce qu'à travers elle nous nous élevons à nouveau à notre stature de peuple du paradis. Nous recommençons à devenir des personnes obéissant Dieu et parlant avec Lui.
Il y a deux choses auxquelles la prière contribue dans notre vie spirituelle : (1) notre parole devient une parole de la communion de chacun de nous avec Dieu ; (2) notre esprit s'élève vers Dieu, s'en approche et acquiert une nouvelle conscience de ce qu’il est ; il devient un lieu de présence d'une nouvelle compréhension, une compréhension paradisiaque semblable à celle du premier homme. Grâce à cette dynamique, l'homme s'élève de son état mondain à un nouvel état spirituel et humain. L'esprit et la conscience deviennent son "nouveau ciel et sa nouvelle terre"[3] où Dieu peut être contemplé. L'homme n'est plus une créature autonome au sens négatif du terme, de volonté gnomique[4] ou d'opinion, limitée par la passion, mais la créature qui se libère progressivement des limitations posées par le péché et les passions en s'ouvrant à l'Absolu et au prochain par la volonté naturelle ou innée[5] qui est bonne.
Pourquoi l'année liturgique est-elle si importante ? Nous trouvons la réponse chez Père Stăniloae:
« Les 365 jours consécutifs sont pour les fidèles une procession solennelle devant la 'nuée de témoignages', qui nous a donné un exemple du ministère du Christ ici-bas et dont les prières dans le ciel nous aident à suivre le Christ. ... La destinée humaine est sous l’emprise des changements éternels ...; mais surtout ces changements déroulent devant les fidèles l'histoire de la vie de Celui qui est né à Bethléem et est monté au ciel sur le mont des Oliviers.
Le centre du christianisme est le Christ, sa vie, son sacrifice. Toute la vie humaine est représentée par Sa vie, Qui dans des sens infinis a vécu pour nous tous, dans les expériences de Qui, toutes les expériences humaines trouvent leur clé et leur résolution, Qui a parfait ce que nous sommes en nous-mêmes, afin que nous puissions devenir comme Lui. »[6] L'année liturgique est un témoignage de vie de tous ceux qui ont suivi l'exemple de Christ. C'est la multitude de saints dont nous sommes appelés à contempler et à suivre la vie. Ce sont eux qui, par leurs vies et leurs actes, remplissent le temps et l'espace de notre monde. Ils constituent la multitude de témoignages qui nous ‘convainquent’ de la vérité et du réalisme historique de notre foi chrétienne. Ce sont des exemples concrets de la façon dont nous suivons les traces du Christ, en servant Dieu. Leurs prières sont notre aide et notre encouragement dans la voie que nous avons choisie pour être les apôtres du Christ.
L'année liturgique et les exemples des saints dirigent notre regard et notre vie vers l'exemple et la vie de Christ. En regardant la tradition de l'église, l'ordre de année liturgique, et en y entrant, nous regardons et entrons dans l'expérience de comprendre le Christ et de vivre avec Lui. Nous entrons en tant que personnes dans le mystère de la vie et du sacrifice du Christ. Entrer dans le sacrifice, la mort, la résurrection, l'ascension de Christ et la descente de l’Esprit Saint et le recevoir cela comme don de Dieu pour notre rédemption et notre salut est ce que nous essayons d'accomplir au cours d'une année liturgique. De cette façon, nous avons le Christ présent au milieu de nous à la fois extérieurement et existentiellement, intérieurement, dans notre vie. En Lui et dans Son expérience de vie nous trouvons la solution à tous nos problèmes existentiels.
Le Père Stăniloae nous montre également les piliers de l'année liturgique : « Les piliers sur lesquels repose l'année liturgique sont : la Naissance, la Résurrection et la Descente du Saint-Esprit. Ils correspondent à l'amour chrétien, à la foi et à l'espérance. »[7] La Nativité et la Résurrection du Seigneur ainsi que la Descente du Saint-Esprit sont les fêtes majeures sur lesquelles reposent l'année liturgique parce qu'elles incluent toute l'œuvre salvatrice accomplie par le Christ en sa personne et qui nous est offert en aide. Il nous appartient de nous approprier par la foi et la grâce l'œuvre salvifique du Christ et de la rendre agissante et bienfaisante dans la vie de chacun de nous personnellement et celle de l’Église en tant que communauté. L'amour, la foi et l'espérance représentent des miroirs pour les trois fêtes religieuses : l'amour du Christ (Nativité), la foi en la résurrection du Christ de la mort (Pâques) et l'espérance en la vie éternelle dans le Saint-Esprit (Pentecôte).
Le but de ce cheminement tout au long de l'année liturgique est d'élargir et d'approfondir notre vie spirituelle, de passer de l'image à la ressemblance de Dieu, en devenant de plus en plus semblable à notre modèle qui est le Christ.
C'est la prière qui nous élève à la rencontre du Christ et de ses saints par le dialogue avec Lui. Par la prière, notre esprit s'élève vers Dieu. Le chemin d'une année liturgique se constitue ainsi dans un pèlerinage où nous sommes en permanence avec les amis de Dieu, les saints, et avec le Christ Lui-même qui est notre guide, conseiller, aide et bénédiction. La prière est la plus haute forme de parler car elle s’adressée à Dieu le Créateur et à Ses saints. Ces derniers se sont élevée aux sommets de la déification par la parole et la communion, par la foi, l'espérance et l'amour. Nous sommes aussi appelés à cette mission.
Réjouissons-nous et commençons avec courage, foi, espérance et amour cette nouvelle année liturgique pour pouvoir surmonter tous les obstacles placés par l'ennemi sur le chemin de notre perfection.
† Ioan Casian
L'Évêque Orthodoxe Roumain du Canada
Saint-Hubert, le 1er septembre 2022
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[1] Évagre le Moine. Sur la prière. en Filocalia (ed. II, vol. 1/trans. Rev. Prof. Dr. Dumitru Stăniloae), Institut des arts graphiques Dacia Traiană S.A. : Sibiu 1947 p. 79 (36)
[2] Idem, p. 75 (3)
[3] Apocalypse 21:1
[4] "Elle (la volonté gnomique - n.t.) implique l'hésitation, l'errance ou la souffrance ; c'est la volonté gnomique (l’opinion), une fonction de la vie hypostatique ou personnelle (existence - n.t.), pas de la nature." dans John Meyendorff. Théologie byzantine - Courants historiques et thèmes doctrinaux (anglais) Fordham University Press : New York 1979, p. 38. La volonté gnomique est une volonté déterminée par la limite de la passion et de la luxure qui altère le choix de l'homme en l’appauvrissant ou le détournant.
[5] La volonté naturelle ou innée est un dynamisme que Dieu a mis dans l'homme et qui est en harmonie avec la volonté divine qui l'a créé. (Meyendoff, p. 143)
[6] Rev. Prof. Dumitru Stăniloae. Culture et spiritualité (Œuvres complètes vol. 1). Ed. Basilica: Bucarest 2012, p.327
[7] Ibidem, p. 328