LETTRE PASTORALE
À L’OCCASIAN DE LA FÊTE DE LA RESSURECTION DE NOTRE SEIGNEUR 2022
† IOAN CASIAN
par la grâce de Dieu
Évêque du Diocèse Orthodoxe Roumain de Canada
Au Clergé bien-aimé et aux fidèles orthodoxes,
paix et joie du Christ Seigneur,
et de nous la sainte bénédiction.
« Tous persévéraient d'un commun accord dans la prière
avec les femmes, avec Marie la mère de Jésus
et avec les frères de Jésus.» (Actes 1, 14)
Révérends Pères et chers fidèles,
Le Christ est ressuscité!
La rencontre avec le Christ ressuscité est source de communion dans la prière avec Dieu et le prochain. Le livre des Actes nous parle de la dernière rencontre du Sauveur Jésus-Christ ressuscité avec ses disciples avant l'ascension au ciel[1] et de ce qui s'ensuivit : « Alors ils retournèrent à Jérusalem, de la colline appelée mont des Oliviers qui est près de Jérusalem, à la distance d'un kilomètre environ. Quand ils furent arrivés, ils montèrent à l'étage dans la pièce où ils se tenaient d'ordinaire; il y avait là Pierre, Jean, Jacques, André, Philippe, Thomas, Barthélémy, Matthieu, Jacques, fils d'Alphée, Simon le Zélote et Jude, fils de Jacques. Tous persévéraient d'un commun accord dans la prière avec les femmes, avec Marie la mère de Jésus et avec les frères de Jésus » (Actes 1 : 12-14). La rencontre avec le Christ ressuscité constitue l'Église. Après la rencontre avec le Christ, les Saints Apôtres retournent à Jérusalem et, avec la Mère de Dieu, les autres femmes et disciples, forment la première Église ou communauté qui se rassemble et prie en Son nom. Dès les premiers instants de l'établissement de l'Église, nous voyons que la prière et la communion sont les éléments essentiels de la communauté chrétienne. Les disciples ne font que suivre la voie enseignée et pratiquée par le Christ.[2]
Se rassembler dans un seul esprit et persévérer dans la prière est l'accomplissement de l'invitation du Christ adressée aux disciples lors de la Dernière Cène[3] à faire toutes choses en Son nom. C'est cela l'Église. La prière et la communion sont les signes distincts et les piliers fondamentaux de l'Église vivante. Le Christ Seigneur choisit d'abord ses disciples[4] et les introduit dans la communion et la vie du Dieu incarné, visiblement manifesté par la parole puissante, les miracles, les résurrections et toutes les œuvres du Christ Sauveur.
Après la résurrection au troisième jour, le Christ fait participer les disciples au mystère de sa résurrection comme prémisse, avant-goût et réalité du monde à venir présente ici et maintenant: « Et voici que Jésus vint à leur rencontre[5] et dit: ‘Je vous salue.’ Elles s'approchèrent, s’agrippèrent à ses pieds et se prosternèrent devant lui » (Matthieu 28 : 9). « Les onze disciples allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus leur avait désignée. Quand ils le virent, ils se prosternèrent devant lui » (Matthieu 28 : 16-17). « Pendant qu'il était à table avec eux[6], il prit le pain et, après avoir prononcé la prière de bénédiction, il le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent, mais il disparut de devant eux (...) » (Luc 24 : 30-31). La résurrection du Christ est l'événement central et fondateur de l'Église. De sa puissance rénovatrice et réparatrice, la grâce salvatrice coule sur l'Église et sur le monde. En sa propre personne, Christ accomplit pour nous la rédemption et la restauration.
Mais l'homme, l'humanité, après la chute du paradis a été blessée par le péché et la mort et avait besoin de guérison. Comment cela pourrait-il être fait? « Eh bien, quel est ce remède (contre le péché, la corruption et la mort - N.D.A.) ? - St. Grégoire de Nysse s'émerveille. Rien que ce corps qui s’est montré immortel et est devenu le commencement de notre vie. Car, comme le dit l'Apôtre, ‘un peu de levain fait lever toute la pâte’ (1 Corinthiens 5 : 6) de la même manière que le Corps de Dieu est entré dans tout notre corps, le transformant et le transformant. ... nous devons examiner comment il est possible que ce Corps, qui est constamment divisé entre tant de croyants de toute la terre, reste entier dans chaque particule de celui-ci, même s'il est donné à chacun dans son intégralité. »[7] Ce qui nous guérit de la mort et de la corruption est le Corps vivifiant, immortel et incorruptible du Christ. Lui seul a acquis cette qualité. Au paradis, l'immortalité de l'homme dépendait de la conservation de la communion avec Dieu. Après la venue de Christ, la vie éternelle et la restauration dépendent de la conservation de la communion avec Dieu par le Christ. L'homme ne pouvait pas guérir de la corruption et de la mort sans recevoir le Corps de l'immortel, c'est-à-dire le Christ présent dans la Sainte Eucharistie. La mort a d'abord été vaincue dans le Corps du Christ, et l'immortalité et l'incorruptibilité y ont été acquises. Ce n'est qu'en participant à la communion avec Lui que l'homme peut atteindre la vie éternelle. Le Christ renouvelle, restaure et rachète nos vies par la résurrection. La Sainte Eucharistie est le Corps et le Sang du Christ, c'est-à-dire la nouvelle humanité. C'est le don de Dieu que l'homme reçoit dans la Divine Liturgie.
St. Grégoire de Nysse dit que le Christ, par la Sainte Eucharistie, se donne entièrement à chaque croyant. En même temps, elle devient le commencement et le fondement de la vie nouvelle en chacun, et aussi base de la communion entre eux car elle est présente tout entière en chacun. La vie de chaque chrétien et la communion entre eux acquièrent le fondement de la vie nouvelle porteur d'immortalité. « Tu t’es apparenté à nous à travers la chair, nous avons été faits ton parent par la divinité. / Car en prenant chair tu nous as donné l'Esprit divin,[8] - dit St. Siméon le Nouveau Théologien. (...) Nous devenons membres du Christ, / et Christ nos membres. / Et la main du Christ et les pieds du Christ sont à moi. »[9] Notre corps ecclésial devient le corps du Christ. Il est le chef de l'Église et nous en sommes les membres. À travers les veins du corps ecclésial coule le sang de la nouvelle vie du Christ. La Sainte Eucharistie devient le médicament qui nous guérit du péché et de la mort. Elle renforce la communion entre les croyants et ouvre notre vie à l'éternité.
En Christ, ensemble, nous devenons le temple, l'église ou la maison de Dieu: (…) et Tu fais de chacun de nous maison et habite en nous tous / et Tu fais une maison pour nous tous, et nous vivons en Toi, / chacun de nous, Sauveur, entier avec Toi entier / et Tu es avec chacun de nous, seul avec lui seul / et dans le même Tu es tout seul au-dessus de nous »[10] - dit St. Siméon le Nouveau Théologien. Dans le Christ, c'est-à-dire dans l'Église, la prière et la communion demeurent les éléments principaux de la formation de la nouvelle humanité. À leur base se trouve la présence de Dieu dans son ensemble en chacun individuellement et en tous ensemble. Dans le temple de Dieu, qui est l'Église, nous vivons la résurrection du Christ de manière personnelle et communautaire.
Le but de notre vie ici est de restaurer la communion avec Dieu à travers la Sainte Eucharistie: « Vous avez entendu dire que la communion aux Mystères divins et purs est la vie éternelle, et que ceux qui ont la vie éternelle sont ceux dont le Seigneur dit qu'ils ressusciteront au dernier jour »[11] - déclare St. Siméon le Nouveau Théologien. L'Eucharistie représente la vie éternelle vécue d'avance dans l'Église. Par le Christ présent en elle, nous avons les prémisses de la résurrection à venir.
Bien-aimés frères et sœurs dans le Seigneur,
L'année 2022 a été proclamée par le Patriarcat Roumain l’Année hommage de la prière dans la vie de l'Église et des chrétiens et l’Année commémorative des saints hésychastes Siméon le Nouveau Théologien, Grégoire Palama et Paisie de Neamț. C'est une année au cours de laquelle notre attention doit se diriger vers la multiplication de la prière. Cela signifie parler ou converser avec Dieu en communion et en personne. Les deux types de prière - personnelle et communautaire - sont complémentaires. Ils se soutiennent et se renforcent mutuellement. Avant tout, la prière ensemble nous fait persever « d’un commun accord », renforçant ainsi l'unité de l'Église comme communauté sur le modèle des premiers disciples. Deuxièmement, la prière personnelle nous montre la qualité irréductible et la valeur inestimable de la personne humaine. C'est un équilibre délicat que l'Église s'est efforcé de maintenir au fil du temps entre la communauté et l'individu. Pourtant, il y avait bien des idéologies d'hier et d'aujourd'hui qui penchaient d'un côté ou de l'autre de cette manière d'être naturel, équilibré et authentique que propose l'Église.
Pendant les deux années de la pandémie, nous avons vécu des moments d'affaiblissement du sens ecclésial de la communion dus aux restrictions sanitaires. Récemment, le monde entier, en particulier le monde orthodoxe, a été secoué par le conflit armé entre la Russie et l'Ukraine. Cet événement et d'autres événements récents doivent nous rappeler à tous la réalité de la violence et de la mort dans notre société. Ils devraient en outre nous convaincre de la nécessité du dialogue, de la communication et de la communion entre nous comme moyen de résoudre ces problèmes. Elle devrait aussi nous faire mieux comprendre le vide profond laissé par les pertes en vies humaines, les souffrances causées par des dégâts matériels incalculables et d'autres conséquences toujours impossibles à prévoir. Les conflits ne doivent pas justifier la nécessité de créer davantage de moyens pour poursuivre ce cycle de la violence et de la mort, comme c'est le cas aujourd'hui et par le passé. Sinon, nous participerons au même spectacle qui se répète à chaque fois avec d'autres acteurs, dans un contexte culturel et matériel différent, mais avec le même scénario qui apporte la souffrance et la mort. La raison d'être et de séduire de ces conflits est souvent dissimulée en « motifs juridiques ou causes humanitaires. » Cependant, en y regardant de plus près à la lumière des Saintes Écritures, des paroles, de la vie et des actes du Christ, tout cela s'avère pauvre, trompeur, préjudiciable et profondément affligeant.
Cette année consacrée à la prière nous invite à renouveler notre manière d'être en Dieu et dans nos relations avec notre prochain. C'est une occasion de jeter des nouvelles bases pour notre éthique chrétienne quotidienne dans la vie personnelle et communautaire, en tant qu'église. Christ et son œuvre salvatrice sont le commencement, la fin et l'accomplissement de toutes choses. Il est Celui qui restaure et renouvelle tout: « Et il rendra belles toutes les choses laides, / les ornant de la beauté et de la gloire de la divinité - dit saint Siméon le Nouveau Théologien. / Et nous deviendrons tous ensemble des dieux par Dieu, / ne voyant plus la laideur de notre chair, / mais nous rendant entiers comme le corps de Christ. Et chacun de nous sera le tout de Christ. »[12] La communion avec Dieu et la vie nouvelle nous redonnent la beauté et la gloire dont nous avons été dotés par Dieu au ciel. Ce que Christ est par nature, nous le deviendrons par grâce, c'est-à-dire fils et filles de Dieu.
A l'occasion de la Fête de la Résurrection du Seigneur, approchons-nous et participons au Christ Seigneur; glorifions-Le, en nous réjouissant du don de la vie et du salut qui nous est donné dans l'Église ! Que la joie de la résurrection du Christ se répande dans la vie de chacun en vue de son renouvèlement et pour la vie éternelle !
« La grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu le Père et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous. »[13]
LE CHRIST EST RESSUSCITÉ!
Votre frère priant le Christ Seigneur
† IOAN CASIAN
Saint-Hubert / Montréal 2022
[1] Actes 1, 1-11
[2] Mathieu 14, 13-23; Marc 6, 34-46; Luc 9, 11-20; Jean 6, 2-15
[3] « Ensuite il prit du pain et, après avoir remercié Dieu, il le rompit et le leur donna en disant: ‘Ceci est mon corps qui est donné pour vous. Faites ceci en souvenir de moi.’ Après le souper il prit de même la coupe et la leur donna en disant: ‘Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang qui est versé pour vous.’» (Luc 22 : 19-20).
[4] Mathieu 4, 18-22; Marc 1, 16-20; Luc 5, 2-11; 6, 13-16
[5] Femmes myrrhophores
[6] Luc et Cleophas
[7] St. Grégoire de Nysse. Sur l'âme et de la résurrection. (traduction, notes et commentaires du Père Grigore Teodorescu) Maison d’Edition Herald : Bucarest 2003, pp. 192-193
[8] Hymne 15, p 380-381
[9] Hymne 15, p 381
[10] Hymne 15, p 380-381
[11] St. Siméon le Nouveau Théologien. Discours théologiques et éthiques. Écrits I. (étude introductive et traduction par le diacre Ioan I. Ică jr.) Maison d’Edition Deisis: Sibiu 1998, p 211
[12] Hymne 15, p 384
[13] Divine Liturgie de Saint Jean Chrysostom