LETTRE PASTORALE
À L’OCCASIAN DE LA FÊTE DE LA RESSURECTION DE NOTRE SEIGNEUR 2021
† IOAN CASIAN
par la grâce de Dieu
Évêque du Diocèse Orthodoxe Roumain de Canada
Au Clergé bien-aimé et aux fidèles orthodoxes,
paix et joie du Christ Seigneur,
et de nous la sainte bénédiction.
« Ô Pâque auguste et très sainte,
ô Sagesse, Verbe et Puissance de Dieu,
donne-nous de communier plus réellement à Toi,
au Jour sans déclin de ton Royaume. »
(Matines, hymne 9)
Révérends pères et chers fidèles,
Le Christ est ressuscité !
La joie de la Résurrection de notre Seigneur nous remplit aujourd’hui. Celle-ci nous surprend comme la stichère pascale du canon nous dit, par le fait que le Christ est resuscité des morts apportant un renouvellement ontologique fondamental à notre nature humaine. Il le fait avec une parfaite ‘élégance de l’esprit’, afin de garder la pureté et l’immaculation de Ses pas au sein de la création pour la restauration de celle-ci. Dieu descend et pénètre dans Sa création nous révélant la beauté et Sa sensibilité particulière, mais aussi une vérité profonde – celle de la rédemption et du renouvellement de l’homme – qui ne peuvent pas être comprises sans l’œuvre du Saint Esprit qui connaît toutes les choses de Dieu et qui les révèlent à notre conscience et notre intelligence.
Qu’est-ce que la mort et la Résurrection du Christ signifie pour nous ?
“En fait, dès le début, par l’homme qui a chuté, nous avons reçu l’héritage de notre père pécheur, mais nous avons reçu aussi un autre héritage de la part de Celui qui a assumé le nôtre (Le Christ) et Qui nous a promis Son héritage – dit saint Augustin. Nous étions mortels à cause du péché, mais Il a assumé la mort, étant sans péché, Il a été tué, sans être redevable de la mort, et Il a effacé l’inscrit de notre dette. Par conséquent, que votre âme soit sûre qu’on va ressusciter ! » [1]
Saint Augustin nous dit que la mort et la résurrection du Christ représente pour nous le salut et l’immortalité. L’homme chute étant tenté par le diable. Il s’éloigne du commandement de l’abstinence et du jeûne que Dieu lui avait donné dans le Paradis. Le péché du premier homme introduit un état de dégradation permanente dans la nature humaine, sans que l’homme puisse s’en sortir de ses propres forces. Dieu par son amour infini, sans avoir une dette, se donne Soi-même entièrement par Son Fils qui devient par Son Incarnation, le porteur de notre nature humaine, notre héritage marqué par les traces du péché. Même si le Christ n’est pas responsable de cet état, Il l’assume par amour pour Sa création. Il est crucifié tout en étant Dieu, c’est-à-dire Il s’approprie une condition qui n’est pas propre pour Lui, ni nécessaire, la condition du péché et des passions, qui a pénétré la nature humaine, dont la finalité était la mort.
Celle-ci n’était pas la condition que Dieu avait conçu pour Sa création. Dieu descend vers Sa création. Dieu entreprend cette descente et l’appropriation de notre héritage marqué par le péché, par Son Fils, afin d’accomplir la promesse qu’Il avait fait – celle de remettre l’homme dans sa condition paradisiaque, dans sa condition déifiée.
Le Christ par Son Incarnation assume la nature humaine afin de vaincre la mort qui avait pénétré dans la nature humaine, Lui étant l’immortalité et la vie éternelle. En même temps, par cette descente, Il efface le péché qui se transmettaient par la nature humaine. L’état de désobéissance, d’éloignement de la Parole de Dieu et de révolte contre Son commandement, était devenu la deuxième nature de l’homme par la tromperie du diable, état que l’homme ne pouvait pas dépasser par ses propres forces.
Dans quel sens on peut parler de la mort comme conséquence du péché, comme punition, mais aussi comme un bienfait ?
“Après avoir pris part au mal par notre propre volonté libre – dit saint Grégoire de Nysse – après avoir introduit le mal dans notre nature, à cause d’un plaisir passager – comme un poison mélangé avec du miel – perdant ainsi le bonheur qui convient à ceux qui n’ont pas des passions, nous nous sommes retournés vers le mal. À cause de cela, l’homme se décompose, comme un vase de terre qui retourne à la terre, pour qu’il soit purifié du mal et pour que l’homme retrouve par la résurrection l’image originel.”[2]
L’homme créé selon l’image et la ressemblance de Dieu dans un état de bonheur et d’harmonie, qui reflétait l’œuvre créatrice directe de Dieu, tombe dans le péché par sa volonté libre n’obéissant pas le commandement de Dieu, dont sa vie dépendait. Donc la conséquence de la désobéissance était la mort de l’homme qui avait été créé pour la vie éternelle.
Saint Grégoire de Nysse comprend la mort comme une bénédiction aussi car elle met fin au mal, pour que celui-ci ne devienne pas éternel. Par le péché de la désobéissance, la mort entre dans le corps de l’homme et met fin à la nature humaine marquée par le péché dans la tombe en retournant à la terre d'où elle a été prise. La mort devient ainsi la prémisse de la résurrection de l’homme avec un corps renouvelé comme Dieu l’avait créé au commencement. Par la résurrection l’homme retrouve l’image de Dieu initiale selon laquelle il avait été créé.
Comment a été faite cette union avec Dieu en vue du renouvellement et de la vie éternelle ?
“Il n’aurait pas eu en Lui la possibilité de mourir s’Il n’avait pas assumé un corps mortel comme le nôtre – dit Saint Augustin. De cette façon l’Immortel a pu mourir, de cette façon Il a voulu offrir la vie aux mortels ; pour faire communier avec Lui ensuite ceux qui étaient déjà en communion avec Lui. Par conséquent, Il a fait un merveilleux échange avec nous, par une participation réciproque : notre partie a été celle qui était morte ; Sa partie sera celle qui nous donnera vie.[3]”d
L’accomplissement du plan de rédemption, de restauration et de renouvellement de l’homme s’est fait par l’initiative de Dieu grâce à Son amour inconditionnel. Celui-ci a été un échange merveilleux, mais inégal : Celui qui ne devait pas mourir – paye avec Sa mort la dette du redevant – à savoir l’homme, et celui qui devait mourir – à savoir l’homme – reçoit l’immortalité et le pardon des péchés par la mort de Celui qui n’avait pas de dette – à savoir le Christ notre Dieu. Nous pouvons observer ici l’amour infini de Dieu qui n’était nullement attaché au péché, qui a racheté la dette mortelle de l’homme et qui guérit la blessure de la mort qui avait entré dans la nature de celui-ci.
Comment participe l’Église au mystère de la mort et de la Résurrection du Christ et ses conséquences ?
L’Église vit le mystère de la mort et de la résurrection du Christ et ses conséquences au moins dans deux manières : la première c’est la participation à la Saint Eucharistie par la communion avec le remède ou la nourriture de la vie éternelle qui est le Corps et le Sang du Christ mort et ressuscité ; le deuxième est le fait de vivre d’avance la mort et la résurrection du Christ par la purification des péchés, à savoir la lutte contre les passions et l’acquisition des vertus qui est considérée une première résurrection, une garantie ou un avant-goût de la résurrection finale des tous.
“La Résurrection du Christ a une liaison profonde avec l’histoire – dit père Dumitru Stăniloaie – et celle-ci doit montrer à l’histoire cette importance qu’elle a pour l’histoire ou bien son début comme force de pneumatisation, qui dirige l’histoire vers le plan supra-historique qu’elle ouvre. Ou plutôt vers le plan de la spiritualité qui la transcende.”[4]
La résurrection du Christ a un impact immédiat qui a la plus grande efficacité au niveau de l’histoire étant une causalité pneumatique[5] par rapport à elle. Dans la mesure où l’homme par la foi s’ouvre à cette expérience pneumatique qui le renouvelle, celle-ci devient présente dans sa vie par l’œuvre de la grâce de la Divine Liturgie, des Saints Mystères et par la pratique des vertus. En tant que membres de l’Église, nous vivons cette expérience de la résurrection du Christ et de ses conséquences dans chaque moment où nous sommes présents dans l’Église. Voici pourquoi nous pouvons dire que nous vivons dans l’Église une communion totale avec toute la création, visible et invisible, de toutes les époques et de tous les lieux, car toutes les choses sont présente devant Dieu, et par notre ouverture vers le plan supra-historique du Royaume de Dieu par la Résurrection nous nous assurons de cette communion totale de tout avec tout en Dieu.
Très chers frères et sœurs dans le Seigneur,
Nous sommes dans l’Année hommage de la pastorale des roumains à l’étranger et dans l’Année commémorative des défunts ; de la valeur liturgique et culturelle des cimetières. C’est une année quand nous pensons plus à notre rôle en tant que chrétiens ici et maintenant. Nous qui sommes ici, nous essayons d’être dans une communion plus étroite avec ceux qui sont à la maison. Nous sommes dans une période quand nous devons réfléchir aux valeurs qui ont constitué, pour nous les chrétiens orthodoxes roumains, la base de l’identité, de l’existence et de notre pérennité dans l’histoire. L’Église, la famille et l’école représentent les trois valeurs ou les éléments sur lesquelles s’est fondée notre conscience chrétienne et notre formation pour la vie. L’Église nous a donné le sens de la pérennité, de la dignité, une éthique et une hauteur spirituelle ; la famille nous a offert la possibilité de la communion et le sentiment de l’appartenance à un tronc commun ; l’école nous a préparé pour la vie faisant de nous des citoyens du monde.
Le Patriarcat Roumain a choisi trois protecteurs pour cet année spéciale – Saint Jean Cassien, Saint Jean de Neamț et Saint Denys le Petit (lat. Dionysius Exiguus).
Saint Jean Cassien (c. 360-433) qui est l’un des protecteurs de notre Diocèse, a été élevé dans l’esprit du monachisme de Dobrogea, il a été formé à l’école du grand monachisme égyptien devenant un auteur spirituel important et une référence intellectuelle pour la vie chrétienne d’Occident. Saint Jean de Neamt (1913-1960), successeur du monachisme rigoureux et ascétique de Neamț, pratique l’ascéce et se sanctifie aux Lieux Saints à Jérusalem, en écrivant des vers et de la prose à partir de ses expériences, ses pensées et ses réflexions qui composent une base spirituelle saine pour un monde moderne en quête et en transformation. Saint Denys le Petit (c. 470-544) marque visiblement notre monde par la création du calendrier de notre ère à savoir le calcul des années à partir de la naissance du Christ. Devenons-nous aussi comme les trois saints roumains confesseurs stables de la foi orthodoxe, représentants notables de nos valeurs traditionnelles chrétiennes confirmées par le temps et par l’expérience et apprenons de chaque chose qui est bonne, des aspects utiles pour nous et pour les autres.
2021 est une année dédiée aux défunts, aux cimetières et à leurs valeurs. L’Église nous rappelle par son enseignement sur la vie éternelle et sur les défunts, le fait que la vie de l’homme sur la terre n’est qu’une partie de sa vie entière. Dans l’Église, dans la Divine Liturgie et les Saints Mystères nous vivons mystiquement cette communion avec ceux qui sont partis à Dieu. Il y a une dynamique de notre prière pour les âmes des défunts et une prière de notre part adressée aux saints pour qu’ils prient Dieu pour nous.
Nous sommes en communion de prière avec les défunts – saints ou des personnes simples – priant les uns pour les autres.
Les cimetières pour nous les chrétiens, sont une confession vivante de la foi à la vie éternelle. Les croix, les bougies, la position dans laquelle sont assis les défunts dans la tombe parlent de la foi du défunt et de notre foi. Elles parlent de notre espérance et sur la valeur éternelle de notre vie. Celles-ci confessent et consolident notre foi dans la Résurrection. Saint Augustin dit : « En fait, le devoir de ce type, accompli par rapport au corps mort, mais qui resuscitera et restera dans l’éternité, est d’une certaine façon une confession de la foi dans la résurrection. »[6]
Les cimetières nous indiquent aussi grâce aux motifs populaires ou traditionnelles spécifiques à chaque peuple, son identité particulière et spécifique et le fait que chaque peuple fait partie d’un tronc commun. Celles-ci nous rappellent que nous devons notre vie à Dieu premièrement, mais aussi à nos ancêtres. Les générations que nous voyons reposer dans les cimetières nous donnent le sentiment d’humilité, car nous comprenons que chacun d’entre nous est un des nombreuses âmes crées par Dieu, mais aussi le sentiment de solidarité entre nous comme partie de la même humanité bénie et rachetée par Lui.
Venant à l’Église nous nous retrouvons tous ensemble, vivant et défunts. Nous prions pour eux et ils prient pour nous dans le ciel. Nous composons ainsi une seule famille de fidèles autour de Dieu. Les cimetières chrétiens nous rappellent que nous ne restons pas prisonniers du temps et de l’espace limité de notre vie terrestre, mais nous attendons une autre vie plus parfaite de communion et d’amour.
Saint Jean Chrysostome nous dit : “Celui-ci est le sommet de notre foi chrétienne – le fait d’attendre la vraie vie après la mort, d’espérer qu’après notre départ nous reviendrons.”[7]
Chers fidèles,
Nous traversons depuis plus d’un an une période avec des nombreuses incertitudes et difficultés et des obstacles pour un fonctionnement normal en tant qu’Église. L’exercice le plus difficile de cette période a été celui du manque de la communion concrète qui est l’ADN de notre vie ecclésiale. Nous nous rendons compte plus au présent que la communion d’entre nous, les relations humaines et spirituelles, la prière ensemble sont importantes et font partie d’une manière saine de vie en tant que chrétien dans la société, à la fois de point de vue physique que spirituel. Même si chaque fidèle a essayé de compenser virtuellement ou avec d’autres moyens les besoins spirituels des fidèles, nous nous rendons compte que les moyens sont réduits, limités et insatisfaisants. Mettons-nous sous la protection du Guérisseur de nos âmes et de nos corps – le Christ – qui par l’incarnation, la mort et la résurrection a racheté et transfiguré notre nature lui donnant de nouveau la possibilité de la vie éternelle.
À l’occasion de la Fête de la Résurrection du Seigneur, réjouissons-nous et rendons grâce au Christ notre Seigneur qui a resuscité le troisième jour de la tombe, priant pour qu’Il nous protège – clergé et fidèles – et qu’Il offre de la consolation aux souffrants, santé aux malades, force dans la foi pour ceux qui doutent, de la joie dans la communion avec le prochain et de l’amour entre nous.
Je vous souhaite à tous, dans cette période pascale, des joies saintes et bénédiction de Dieu, en Christ notre Seigneur !
Le Christ est ressuscité !
Le vôtre dans la prière au Christ Seigneur, vous souhaitant tout le bien,
† IOAN CASIAN
Saint-Hubert/Montréal 2021
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[1] Sur la résurrection des corps dans Saint Jean Chrysostome, Saint Augustin, Pseudo- Cyprian. Écrits sur la mort et la résurrection (traduction, étude introductif, notes faites par Corneliu Clop/vol.1). Ed. EIBMO : Bucarest 2018, p.61
[2] Sur l’âme et la Résurrection (traduction, notes et commentaires - Père Grigore Teodorescu) Ed. Herald, Bucarest, 2003, p.128
[3] Sur la passion du Seigneur, dans Écrits sur la mort et la résurrection…p. 49
[4] La théologie dogmatique orthodoxe (vol 2). Ed. EIBMBOR, Bucarest, 2003, p.170
[5] Ibidem
[6] Sur la préoccupation qu’il convienne avoir pour les défunts, dans Écrits sur la mort et la résurrection... p 228
[7] Sur la consolation devant la mort dans Écrits sur la mort et la résurrection ... p 154